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LES DEUX CONGRES MUSULMANS DE 1926
INTRODUCTION Le 3 mars 1924, la grande Assemblée nationale dAnkara abolit linstitution du Califat. Par cette abolition, les kémalistes turcs ont mis fin à 1331 années dhistoire dune grande institution musulmane débutée en lannée 11 de lhégire (632 de notre ère), avec la mort du Prophète Muhammad et la désignation de son lieutenant, le Calife Abû Bakr.
Des appels ont été lancés, après cette abolition, dans les différents pays islamiques afin de rétablir cette institution musulmane et de trouver aussi, les solutions aux problèmes des musulmans.
Nous allons examiner les travaux de deux congrès musulmans tenus en 1926 répondant à ces appels, le Congrès musulman du Caire (I), et le Congrès musulman de la Mecque (II) (1).
I - LE PREMIER CONGRES MUSULMAN SUR LE CALIFAT. LE CAIRE DU 13 AU 19 MAI 1926
Lidée dun congrès musulman sur le Califat a été lancé au Caire en mars 1924 (2). En Arabie, le chérif Hussein (1270-1350/1804-1931) (3), roi du Hedjaz (4), saisit loccasion pour se proclamer Calife, lors de sa visite à Amman en mars 1924. Cette initiative na pas été approuvée par la grande majorité des musulmans. Ajoutons à cela, les difficultés qu a dû affronter le chérif Hussein dans la région du Hedjaz qui fut envahie, six mois après cette proclamation, par les troupes dIbn Séoud (1299-1373/1881-1953) (5), ce qui contraint le chérif Hussein à quitter définitivement lArabie.
Au Caire, les oulémas de la mosquée al-Azhar réunissent le 25 mars en vue de débattre la question du Califat (A). Le premier congrès musulman na pas résolu cette question, mais ces travaux ont donné quelques résultats pratiques (B).
_______________________________ * Mohammed-Amin AL-MIDANI. Docteur dEtat en Droit. Chercheur à lInstitut International des Droits de lHomme, Strasbourg, France. (1) Nous sommes référés à la traduction de Achille Sekaly concernant les procès verbaux de ces deux congrès musulman, Revue du Monde Musulman, n° 64, 1926, pp. 27-219. (2) En octobre 1924 est paru le premier numéro de la revue Le Congrès Musulman où on trouve un article de Rashid Rida qui parle de limportance de tenir un congrès musulman qui sera le premier regroupant les oulémas et les intellectuels de différents tendances. Voir, Mohammed Mohammed Hussein, al-Itidjahat al-Watania fi al-adb al-Muasir, (Les tendances nationales dans la littérature moderne), al-Risala, Beyrouth, 1983, t. 2, pp. 50-51 (en arabe). (3) Le titre chérif signifie que Hussein, le grand père de lancine roi de Jordanie Hussein Ibn Talal (m. en 1999), est un descendant de la famille du Prophète Muhammad. (4) Le Hedjaz fait partie actuellement de lArabie saoudite. (5) Cest le fondateur, en 1932, du Royaume dArabie saoudite.
A - la question du Califat
Un comité des oulémas dAl-Azhar a été constitué pour préparer les travaux de ce premier Congrès musulman.
1 - La place et le rôle du Calife
Le comité met laccent, en premier lieu, sur limportante place du Calife comme souverain religieux et civil pour tous les musulmans. Il rappelle, ensuite, le rôle significatif de cette institution qui symbolise lunité des membres de la communauté musulmane, qui veille sur leurs intérêts et qui gère les affaires publiques conformément aux enseignements du Coran. Le comité évoque aussi, les modes de désignation du Calife qui occupe cette position soit en vertu de la baya, soit par voie de désignation par son prédécesseur, soit par voie de conquête. Enfin, le titre de Calife disparaîtra quand celui-ci portera atteinte à la religion ou aux intérêts des musulmans ou sil se trouve dans limpossibilité de gérer les affaires publiques de lEtat.
2 - Le prince Abd Al-Majed, un Calife contesté
Le comité conteste le titre du Calife attribué, par lAssemblée nationale turque, à Abd Al-Majed (6). Cette Assemblée, expliquait le comité, en proclamant ce dernier comme un Calife lui a retiré tout pouvoir temporel ce qui est contraire aux principes de lIslam qui exige que le Calife doit investir les pouvoirs temporel et spirituel en même temps. En conséquence, la baya qui lui été consentie nétait pas légale, car Abd Al-Majed na pas rempli les conditions dun Calife. Et, même si ces conditions ont été remplies en raison de son incapacité de gérer les affaires publiques des musulmans, le titre du Calife a cessé de lui appartenir et les musulmans nont, donc, aucun engagement envers lui. Dautre part, lAssemblé nationale turque, en abolissant linstitution du Califat, a provoqué de vives émotions chez les musulmans, et après une période de mûre réflexion pour calmer leurs esprits, le comité estimait indispensable la réunion, au Caire et sous la présidence de cheikh Al-Azhar, des représentants des différents pays islamiques pour désigner le nouveau Calife. Le comité a fixé le mois de mars 1925 (1343 h) comme date de cette réunion.
3 - Lajournement du premier Congrès et la modification de son programme
Mais le climat politique quavait connaît lEgypte à cette date à cause des préparatifs électoraux, les affrontements, en Arabie, entre les troupes du chérif Hussein et celles dIbn Séoud provoque lajournement la réunion de ce premier Congrès musulman.
Ainsi, le comité tien une nouvelle réunion le 7 janvier 1925 et décide dajourner, dun an, à dater du jour de sa réunion, la réunion du ce premier Congrès musulman. Une autre décision du comité du 3 février 1926 fixe la tenue de ce Congrès au 13 mai 1926, en adressant des invitations signées par le grand cheikh dAl-Azhar, accompagnées de règlement intérieur du Congrès.
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(6)Abd Al-Majed a été élu Calife le 18 novembre 1922. Le 4 mars 1924, au lendemain de labolition de linstitution du Califat par lAssemblée nationale turque, il a quitté Istanbul pour regagner son exil à Paris où il mourut le 23 août 1944.
Mais les initiatives des oulémas dAl-Azhar ne feront guère encouragés ni dans le milieu politique égyptien, ni parmi le grand public en général. Le roi dEgypte Fouad 1er nétait pas intéressé personnellement par ce Congrès (7). Le premier ministre égyptien Sad Zagloul Pacha explique que son gouvernement gardera " la plus stricte neutralité au sujet de la question du Khalifat (Calife) " (8).
Dautre part, il y avait ceux qui nont pas pris au sérieux la décision de labolition du Califat, en espérant que Mostafa Kamal ( ? ? ? ?) reviendrait sur sa décision, et le retour dAbd Al-Majed, ce qui rendront le réunion du Congrès inutile. Lidée de transférer le siège du Califat dIstanbul au Caire ne plaisait pas à dautres surtout à cause de lindépendance incomplète de lEgypte, car elle était occupée par les troupes britanniques. Tous ces arguments ont amené le comité à modifier son programme. La désignation dun nouveau Calife nétait plus le sujet principal des travaux de ce Congrès qui cherchait plutôt à donner des réponses aux quelques questions qui concernent directement linstitution du Califat et lampleur de ses attributions, et indirectement la vie sociale des peuples musulmans.
B - La tenue du premier Congrès musulman
Ce premier Congrès ouvrit ses travaux le jeudi 13 mai 1926 (1344 h), au siège de la direction des établissements religieux dAl-Azhar, sous la présidence du Recteur général de cette mosquée et en présence des trente personnalités (9) représentant treize pays islamiques.
1 - Les travaux du Congrès
La premier séance fut inaugurée par le Recteur dAl-Azhar, et après quelques interventions, une commission fut constituée pour examiner les différentes communications et propositions, émanant des délégations musulmanes, avant de les soumettre à lexamen du Congrès.
Les séances reprirent le samedi 15 mai 1926, et le cheikh égyptien Huessin Wali propose la formation de deux commissions. Les délégations approuvent cette proposition et après un vote à bulletin secret. Ces deux commissions sont :
a) La commission théologique : neuf représentants des rites Hanafite, Malikite et Shafiite ont été élus, par ces délégations, comme membres de cette commission. Le cheikh de rite Hanbalite en Egypte les rejoignit comme conseiller, et un observateur Shiite (10) a assisté aux travaux de cette commission.
Cette commission fut chargée de répondre à trois questions :
1° La définition du Calife et ses qualités daprès le droit musulman.
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(7) Hussein avance dans son ouvrage, précité, la théorie selon laquelle le roi Fouad encourage et aide les oulémas dAl-Azhar dans leurs démarches pour la réunion de ce Congrès, op. cit. t. 2, pp. 50-53. (8) Achille, op. cit., p. 7. (9) Le journal Al-Mukattam a avancé le chiffre de trente-quatre personnalités musulmanes. Voir, Hussein, op. cit., p. 54. (10) Voir, Henri Laoust, Comment définir le sunnisme et le chiisme, Geuthner, Paris, 1985.
Les membres de cette commission, en répondant à la première question, ont affirmé le caractère obligatoire, unitaire et indispensable de linstitution du Califat.
Toute séparation entre le pouvoir spirituel et temporel serait contraire à la définition de cette institution et elle engendrerait la rupture du contrat dImamat qui lie le Calife et les musulmans.
De même lexistence de plusieurs Califes est contraire, aussi, à la définition du Calife qui dirige les affaires publiques des musulmans, veille sur leurs intérêts et symbolise leur unité ce qui est irréalisable avec lexistence, par exemple, de deux Califes.
Dautre part, la moubâya du Calife par les musulmans nest pas en elle-même un mandat. Par conséquence, les musulmans nont pas le droit de limiter ou restreindre le pouvoir du Calife.
Quant aux conditions de linstitution du Califat, les membres de la commission exigent de lui dêtre : " musulman, majeur, sain desprit, libre , mâle capable dappliquer les sanctions pénales, de faire observer le droit canon et de protéger le territoire musulman ; davoir la vue, louïe et la parole saines et enfin dêtre doté de jugement et de clairvoyance pour gérer les intérêts généraux des musulmans " (11).
Deux problèmes restaient à résoudre : la capacité du Calife pour lIdjtihad et son appartenance à la tribu de Qoréich à laquelle appartenait le Prophète Muhammad. Les membres de la commission ont constaté que quelques Docteurs musulmans exigeaient cette capacité, dautres estimaient quil sera possible de remplacer cette condition par la consultation des oulémas. Quant au deuxième problème, le rapport cite lavis dIbn Kaldoun (732-808/1332-1406) qui expliquait que la majorité des Docteurs musulmans exigeaient bien cela, et quautres ne le souhaitaient pas fait. Et, les membres de la commission ont conclu que dans limpossibilité de réaliser ces deux dernières conditions, elles ne seraient pas indispensables.
2° Est-ce que linstitution du Califat est une institution obligatoire en Islam ?
Les membres de la commission ont cité, dans leur rapport, plusieurs hadiths du Prophète Muhammad qui montrait la nécessité de cette institution en Islam.
3° Les modes de désignation du Calife.
Les membres de la commission ont expliqué quil y a trois modes de désignation :
- Par voie de disposition par le précédent Calife.
- Par voie dinvestiture moubâyaa par les musulmans influents, tels que les ulémas, les princes, les notables, les hommes dopinion et dadministrations.
- Par voie de conquête dun musulman, même sil ne remplit pas les autres conditions (12).
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(11) Revue de Monde Musulman, n° 64, 1926, p. 75. (12) Ibid., pp. 76-77.
b) La deuxième commission
Cette commission fut aussi chargée, de répondre à trois questions :
1° Létablissement de linstitution du Calife est-elle concevable à notre époque ?
Les membres de cette commission ont répondu négativement à cette question, car les peuples et les pays musulmans sont divisés, ils sont soumis aux gouvernements non nationaux et il nexiste pas un corps de personnalités musulman capable de remplir les conditions nécessaires et qui le ait droit de faire la baya. Même si les pays musulmans retrouvent leur indépendances, leurs divisions ainsi que celles de leurs peuples qui sont dirigés par des gouvernements qui appliquent des politiques différentes privent le Calife désigné de tout pouvoir réel et il naura aucune autorité effective. La commission a proposé, en conséquence, dans létat actuel des musulmans et à cause des difficultés connues pour désigner un Calife, que les musulmans se réunissent régulièrement dans des congrès pour échanger leurs points de vue et discuter de leurs problèmes.
Dautre part, et dans limpossibilité de réunir ces congrès, la commission a envisagé la constitution dun comité central, qui se réunit annuellement, regroupant les hauts notables musulmans chargé dexaminer les problèmes des musulmans. A côté de ce comité, il y aura un comité exécutif national dans chaque pays musulman pour exécuter les décisions du comité central.
2° Quels sont les moyens possibles pour réaliser les attributions du Calife sans lexistence de cette institution ?
En réponse à cette question, la commission a proposé le maintien du conseil dadministration de lactuel Congrès musulman en créant dans les différents pays musulmans, des branches chargées dêtre en contact avec le Congrès pour se réunir de façons successives suivant les besoins et en vue dexaminer la question du Calife.
3° Comment les musulmans arriveront-ils à constituer cette institution et par quels moyen ?
Enfin, la Commission a jugé inutile de donner suite à cette question parce quelle a énuméré les raisons qui empêchent linstitution du Calife.
Un projet dune décision émanant de plusieurs membres de différentes délégations, a été proposé au Congrès, modifiant ainsi le rapport de cette Commission. Ce projet est le suivant :
" Le Congrès a décidé : " Que le Califat islamique, conforme aux prescriptions de la Charria, est réalisable ; " Quil est du devoir des musulmans, dans toutes les parties du monde, den préparer les voies et moyens et de prendre les dispositions nécessaires à cet effet ; " Quil y a lieu déviter, à cet égard, tout ce qui pourrait diviser les musulmans ; " Que dans ce but, il est indispensables que tous les peuples islamiques soient adéquatement représentés dans une réunion, à tenir dans nimporte quel pays, et à laquelle seront présents les délégués des pays musulmans pour se consulter sur les mesures à prendre en vue de linstitution du Califat réunissant les conditions prescrites par la Charria ; " Que tous les peuples musulmans ne se trouvent pas complètement représentés au présent Congrès et, enfin, " Que ce Congrès fait appel à tous les musulmans du monde et les exhorte à ne pas négliger la question du Califat qui est lâme et la manifestation de lIslam, à collaborer ensemble à linstitution du Califat dans les conditions indiquées plus haut, et à accomplir ainsi un devoir essentiel " (13).
Un autre projet de décision a été soumis par Djamal al-Din Al-Husseini (Palestine) à lapprobation du ce Congrès pour condamner les bombardements de Damas par les troupes françaises (14).
Après ladoption de ces deux projets, et avec lautorisation du Président du Congrès, une motion proposant la clôture du Congrès a été soumise à ce dernier . Cette motion a été approuvée à lunanimité.
II - LE DEUXIEME CONGRES MUSULMAN SUR LE CALIFAT. LA MECQUE DU 7 JUIN AU 5 JUILLET 1926
Ibn Séoud (1299-1373/1881-1953) qui a conquis, en 1901, la région du Nedjd (15), proclamée par son père Abd al-Rahman Ibn Faysal (1269-1347/1852-1928), en 1905, Roi du Nejd et Imam des Wahhabites (16) a mis fin à lasile de la famille Al-Séoud. Cet asile qui a débuté à la suite de la retraite dAbd al-Rahman Ibn Faysal vers le Koweït en 1895 (17). Vingt-deux ans après cette conquête, Ibn Séoud entrait victorieux à la tête de ses troupes à la Mecque pour être proclamé, ensuite, Roi du Hedjaz le 4 juin 1926 et après avoir écrasé les troupes du chérif Hussein et de son fils Ali.
Dabord, Ibn Séoud a lancé lidée dun Congrès du monde musulman réunissant les représentants des peuples musulmans. Il a voulu rassurer ces peuples de ses réelles intentions et les motifs de ses opérations militaires dans la région du Hedjaz. Ces intentions qui consistent à établir lordre et la sécurité dans cette région en fixant son statut définitif, à dissiper les craintes des disciples des autres rites sunnites à propos de wahhabisme et, enfin, à assurer les pèlerins qui visitent chaque année les villes saintes : la Mecque et la Médine.
Ensuite, après son entrée triomphale à la Mecque, Ibn Séoud ne renonce à lidée dun Congrès musulman ni à son objet mais il a voulu, en même temps, que les peuples musulmans, à travers leurs représentants à ce Congrès, reconnaissent le statu quo du Hedjaz après la victoire de ses troupes et sa désignation comme Roi de cette région.
______________________________ (13) Revue du Monde Musulman, n° 64, 1926, p. 120. (14) Ibid., p. 120. (15) Le Nedjd fait partie actuellement de lArabie saoudite. (16) Le Wahhabisme est une doctrine sunnite fondée en Arabie par Mohammed Ibn Abd al-Wahhab (1115-1207/1703-1792). En 1744 un pacte de fidélité réciproque a lié Abd al-Wahhab avec Mohammed Ibn Séoud (le grand père dabd al-Rahman : père dIbn Séoud). Cette doctrine a pour but : " de construire un Etat sunnite qui se fût étendu non seulement au Nejd mais à lensemble des pays arabes, et de restaurer lIslam dans sa pureté première en luttant contre toutes les innovations suspectes ou les superstitions populaires et en se laissant de larges possibilités dexpansion comme au temps des Compagnons ". Henri Laoust, Les schismes dans lIslam, Payot, nouvelle édition, Paris, 1983, p. 323. (17) Jacques Benoît-Mechin, Ibn Séoud ou la naissance dun royaume, Albain Michel, Paris, 1955, pp. 110 et s.
Ce deuxième Congrès a tenu dix-huit séances du 7 juin au 5 juillet 1926, en présence de délégations du Hedjaz, des Indes, de Java, du Nedjd, dEgypte, de Syrie, de Palestine de Russie. Et, le grand absent de ce Congrès étaient lIran, ainsi que les représentants des musulmans de Chine. Les six premières séances étaient consacrées aux questions administratives liées au bon déroulement du Congrès. Ce dernier a élu le Chérif Charaf Adnane chef de la délégation du Hédjaz comme Président du Congrès, et deux vice-présidents et un secrétaire.
Le Congrès sintéressait à deux séries de problèmes : les problèmes liés au pèlerinage, à laccès au Hedjaz (A), et aux problèmes politiques et économiques (B).
A - Les problèmes liés au pèlerinage et à laccès au Hedjaz
Trois questions étaient liées à ces problèmes.
1 - La protection des pèlerins et leur état sanitaire
Les délégués musulmans étaient conscients des difficultés que trouvent les pèlerins qui visitent chaque année les villes saintes, et ils seront unanimes pour trouver des solutions rapides et efficaces pour protéger ces pèlerins, faciliter leur séjour pendant la période de pèlerinage et améliorer létat sanitaire des ces villes.
Dès lors, et au cours de la septième séance du Congrès tenue le 14 juin , le délégué palestinien Sayed Amin Al-Husseini propose de charger le gouvernement du Hedjaz de créer une commission sanitaire technique qui aura pour tâche détudier létat sanitaire dans cette région et de proposer les solutions et les remèdes nécessaires.
A la seizième séance tenue le 3 juillet, la délégation égyptienne présente au Congrès quelques propositions. Parmi elles, une proposition adressée aux gouvernements des pays musulmans pour envoyer, au Hedjaz, des missions médicales chargées de recevoir et de soccuper des pèlerins. Une autre consiste à créer des hôpitaux permanents et bien équipés dans cette région. Une troisième propose la création dabattoirs spéciaux pour les sacrifices, qui doivent être éloignés des habitations. Le Congrès approuve ces propositions ainsi que celle de la délégation palestinienne en admettant que leur exécution dépendait du recueil des fonds nécessaires.
2 - La question des Wakfs
Avant dexaminer cette question, il faut définir cette institution. Le Wakf est : " Linstitution qui soustrait un bien à toute aliénation et en opère limmobilisation, en laffectant soit à une uvre pie charitable ou humanitaire, soit à des personnes désignées par le constituant, et dont les revenus sont affectés soit à ces uvres, soit aux dévolutives :ces revenus devront après extinction de ces derniers être transférés à luvre pie " (18). ___________________________________ (18) Jean Baz, Essai sur la fraude à la loi en droit musulman (Etude de droit musulman comparé et de droit international privé), Librairie de Recueil Sirey, 1938, pp. 97-98.
A la suite de lintervention de plusieurs délégation lors de la septième et de la huitième séances tenues les 14 et 15 juin 1926, le Congrès approuve la proposition du délégué de Nedjd qui était la suivante : " Le Congrès du Monde Islamique décide de confier au comité exécutif le soin détablir une statistique exacte des Wakfs des Villes Saintes et de faire lui-même les démarches nécessaires pour le recouvrement des revenus des dits Wakfs pour être dépensés suivant leurs destinations légales et en conformité des conditions posées par les constituants et non contraires aux prescriptions de la Charria " (19).
3 - La liberté des rites au Hedjaz
Il faut tout dabord rappeler la méfiance exprimée par les disciples des différents rites sunnites à légard de mouvement Wabbabite en Arabie. Or, cette doctrine qui trouve ses origines dans la rite hanbalite et surtout dans les ouvrages dIbn Taimmya (661-728/1263-1328), na pas trouvé des échos favorables chez les disciples dautres rites sunnites doù la réticence et le soupçon qui sont manifestés à son égard.
La question de la liberté des rites au Hedjaz était loccasion déclaircir toute ambiguïté sur les réelles attentions des wahhabites.
Le Congrès a discuté lors de ses treizième, quatorzième et quinzième séances tenues le 30 juin, 1 et 2 juillet 1926 du principe de cette liberté des rites.
A la quinzième séance, le conseiller du Roi Ibn Séoud lut son message adressé au Congrès (20). Dans ce mesure Ibn Séoud ne soppose pas au principe de la liberté des rites, mais on peut noter aussi, que le statut du Hedjaz, la crainte dune intervention étrangère et le souci daccorder à cette région un régime neutre spécial, ont attiré particulièrement, son attention Dautre part, il ne faut pas oublier le pacte de fidélité réciproque qui a lié, en 1774, Abd Al-Wahha et Muhammad Ibn Séoud, et ce qui a été dit à propos de ce que Ibn Séoud a donné à la doctrine wahhabite dampleur et force " autant par conviction personnelle que par sens de lopportunité politique " (21). Dès lors, aucun changement naurait pu avoir lieu concernant la doctrine wahhabite et ses enseignements qui prêchent contre le culte des saints et les monuments funéraires.
Dautre part, on ne peut pas dire que la destruction des mausolées des pieux ancêtres est contraire à la liberté des rites comme la souligné un membre de la délégation indienne, lors de la treizième séance du Congrès tenue le 30 juin 1926, même si cette destruction a choqué les musulmans, car rien dans les enseignements de lIslam nincitent les musulmans à consacrer aux mausolées de temps, des efforts ou des sacrifices. Par contre, la pureté et la simplicité ce sont recommandés pour ne pas faire de ces mausolées des lieux de pèlerinage comme ce fut le cas dans beaucoup de pays islamiques, ce qui na rien à voir avec les enseignements et les principes de lIslam.
B - Les problèmes politiques et économiques
A côté des problèmes religieux, le Congrès a débattu de deux séries de problèmes.
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(19) Revue du Monde Musulman, n° 64, 1926, p. 208. (20) Ibid., pp. 191-192. (21) Laoust, Les schismes, op. cit. p. 327.
1 - Les problèmes politiques
Ces problèmes concernaient lindépendance de lArabie, la question des villes du Maan et du Akaba (22), et leur annexion par les fils du chérif Hussein à la Transjordanie (actuellement la Jordanie). Aucune unanimité ne fut trouver pour ces questions.
2 - Les problèmes économiques
Le premier problème traité était celui du chemin de fer du Hedjaz (23). Le Congrès, lors de sa dix-septième séance tenue le 4 juillet 1926 adopte une proposition, en accord avec le Roi Ibn Séoud, afin que certains membres présentent au Congrès organisent, dans leur pays respectifs, des comités de souscription. Dautre part, le Congrès décide " que les chemins de fer qui seront construisis soient considérés comme des Wakfs musulmans, que les bénéfices de leur exploitation soient dépensés en conformité des règles qui seront posées dans lacte constitutif du Wakf, que les fonds recueillis soient déposés dans des établissements financiers réputés et quil nen soit rien dépensé quen vertu dune décision du Comité exécutif du Congrès pris en conformité dun règlement spécial " (24). Et, le Congrès a désigné lémir Faysal ( m. en 1975) (25) (fils de Roi Ibn Séoud), président honoraire du Comité des souscriptions.
Le deuxième problème concernait les concessions économiques au Hedjaz. Le Congrès a adopté un texte qui prévoit linterdiction de toutes concessions étrangères (26).
Le dernier problème traité concernait lesclavage au Hedjaz. Ce problème qui apparaît comme un problème religieux, nous lavons classé parmi les problèmes économiques car, dune part, lesclavage nétait en Islam quà " une exception accidentelle " qui devrait disparaître un jour (27). Dautre part, le trafic de lesclavage qui est en soit même un commerce, se considère comme un problème économique.
Lors de la seizième séance tenue le 3 juillet 1926, un membre de la délégation indienne a proposé la constitution dune commission chargée denquêter sur le trafic de lesclavage et de soumettre au gouvernement du Hedjaz son rapport, " en le priant de faire cesser, en conformité des positions de la Charria, le trafic des esclaves par égard pour la liberté islamique et pour empêcher tout esclavage ayant lieu contrairement aux règles de la Charria " (28).
La commission dinitiative, pour sa part, a accompagné cette proposition par la décision suivante : " La commission ayant discuté la proposition ci-dessus, a décidé sa présentation au Congrès avec avis tendant à ce que le gouvernement du Hedjaz soit prié dinterdire tout esclavage ayant lieu au Hedjaz contrairement aux règles de la Charria " (29).
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(22) Ces villes se trouvent en Jordanie. (23) Une des conséquences de la révolte arabe contre les turcs en 1916 était la destruction dune partie de cette ligne entre Maan et Médine et cette partie na pas été reconstruite depuis cette date. (24) Revue du Monde Musulman, n° 64, 1926, p. 205. (25) Roi dArabie saoudite (1956-1975). (26) Revue du Monde Musulman, n° 64, 1926, p. 174. (27) Marcel A. Boissard, LHumanisme de lIslam, Albin Michel, Paris, 1979, pp. 112 et s. (28) Cest le Roi Faysal qui a aboli lesclavage au Royaume dArabie saoudite. (29) Revue du Monde Musulman, n° 64, 1926, p. 201.
CONCLUSION
La tenue de deux Congrès musulmans en 1926 sinscrit dans le cadre des efforts déployés par la communauté musulmane, au début du XXème siècle, en vue de trouver les solutions à ses problèmes, de consolider sa position et dunir ses peuples après labolition de linstitution du Calife en 1924.
Le premier Congrès tenu au Caire, a apporté quelques réponses aux questions plutôt théologiques que politiques. Ses travaux préparés par un comité dulémas de la mosquée Al-Azhar et ses réunions qui se sont déroulées au siège de la direction des établissement religieux de cette mosquée sous la présidence de son recteur général du 13 au 19 mai 1926, sont pour ces résultats théologiques auxquels personne ne nie quils ont traduit lunanimité des représentants des quatre rites sunnites concernant linstitution du Califat en Islam, importants et significatifs.
Le deuxième Congrès tenu à la Mecque avec son caractère officiel, la diversité de ses délégués, les circonstances qui ont précédées ses réunions, la nouvelle situation qua connu lArabie avec le règne de la famille Ibn Séoud. Linfluence du Wahhabisme qui nétait pas limité seulement à cette péninsule et le lieu de ses réunions à la Mecque du 7 juin au 5 juillet 1926, ont orienté ses travaux vers les problèmes quotidiens des visiteurs de cette région comme létat sanitaire des pèlerins des lieux saints, et les problèmes dactualité politique comme la question de lindépendance de lArabie. Les problèmes théologiques étaient présents, ainsi que ceux de la liberté des rites au Hedjaz. Mais ces problèmes sanitaires, politiques et économiques ont absorbé la plupart des discussions des délégations musulmanes.
Linstitution du Califat qui a été supprimée avant la tenue de ces deux Congrès, na pas trouvé une solution à la fin de leurs travaux. Nous admettons que la tâche est très difficile pour désigner un Calife et cela est dû à plusieurs raisons concernant la communauté musulmane elle-même dune part, les circonstances actuelles et le climat politique de notre époque dautre part. Doù limportante proposition faite par la deuxième commission du premier Congrès qui a proposé, faute de désigner un Calife, la réunion des musulmans dans des congrès et dune façon régulière pour échanger leurs points de vue et discuter de leurs problèmes. Et, dans limpossibilité de réaliser ce projet, la commission a proposé la constitution dun comité central regroupant les hauts notables musulmans choisis par leurs peuples pour examiner leurs problèmes. Le premier Congrès na pas adopté les propositions de la deuxième commission, mais raison a été donnée à cette commission, après quarante-cinq ans, par la création de lOrganisation de la Conférence Islamique (30). Hindouisme Judaïsme Bouddhisme Christianisme Islam Histoire des Religions Sinica
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